ÉCHOS
01 Jan 2002

Didier Krzentowski, galeriste hors du commun

Du vêtement de sport à l’objet design, de l’industrie à la création, Didier Krzentowski a placé toute son énergie au service du designer. Il ouvre le 13 septembre un lieu magnifique, rue Dauphine. Un espace dédié à la recherche et à l’engagement.

Par Anne Bony

Kreo, l’histoire d’une passion

L’histoire de Kreo, c’est l’histoire d’une passion. Didier Krzentowski a l’amour de l’objet et de « l’objetiste ». Il collectionne et se passionne pour l’histoire du processus de création design.

Cet engouement, il le ressent très tôt ; il est alors directeur de l’entreprise de vêtements de sport Killy, fondée par son père. Son impatience le pousse à imaginer une collaboration entre l’entreprise et le créatif. Il vend Killy, et crée une agence de communication, « Kreo », fondée sur cette envie. Avec sa femme Clémence il incite les industriels à faire appel aux designers pour renouveler leurs produits : c’est ainsi que Martin Szekely dessine le verre Perrier, Garouste et Bonetti la carafe Ricard, Philippe Starck le flambeau olympique des JO d’hiver d’Albertville. Entremetteur exalté, Didier Krzentowski ne se lasse pas de défendre la démarche design et de l’inscrire dans une stratégie de marketing dynamique.

Il achète des objets : luminaires, mobilier, œuvres d’art, et possède très tôt des œuvres historiques des années 50 et 60. Son choix se porte sur des pièces d’une grande évidence comme les lampes de Gino Sarfatti, les meubles de Joe Colombo, de Pierre Paulin… Son enthousiasme pour la création occupe ses jours et ses nuits. Insomniaque, il constitue une bibliothèque considérable qui lui permet de se pénétrer de l’intelligence du geste créatif.

Un terrain d’expérimentations pour les designers : la galerie

En 1999, il décide de faire des designers ses interlocuteurs privilégiés en leur offrant un outil sur mesure : la galerie Kreo, lieu d’exposition et d’édition sélectif. Les designers reçoivent cette offre avec enthousiasme : « La galerie est un lieu où l’on expérimente : une technique, un matériau, une finition, une couleur… On peut atteindre des niveaux de facture et de qualité qui sont inenvisageables ailleurs. » (Ronan Bouroullec) ; « Lorsque vous dessinez pour dix personnes, vous pouvez vous permettre d’être radical et extrême…L’idée d’avant-garde m’intéresse beaucoup. » (Konstantin Grcic).

Une sélection exigeante

Depuis juin 1999, donc, Didier Krzentowski pousse ses pions sur l’échiquier de la création, il écrit avec une réelle intuition l’histoire du design, et produit en mécène averti, des objets conceptuels, des expérimentations technologiques et formelles… Il a réuni autour de lui une famille de penseurs en design, exigeants et fidèles : François Bauchet, Ronan et Erwan Bouroullec, Pierre Charpin, Naoto Fukasawa, Konstantin Grcic, James Irvine, Hella Jongerius, Alessandro Mendini, Jasper Morrison, Marc Newson, Jerszy Seymour et Martin Szekely.    

A la suite de Pierre Staudenmeyer, créateur de la galerie Neotu dans les années 80 et aujourd’hui décédé, Didier Krzentowski donne au design en galerie sa forme contemporaine et définitive. Il place sa légitimité sur le travail prospectif avec les designers et défend ses engagements dans les salons et les biennales. Aujourd’hui, sa politique porte ses fruits. Il est reconnu et sollicité par les musées auxquels il prête ses objets et publie également quelques ouvrages de qualité.

Rue Dauphine : le nouveau temple du « good design »

Véritable « go-between », Didier Krzentowski pense son espace de travail comme un laboratoire d’idées, entre atelier et galerie d’art. Avec son déménagement dans le VIe arrondissement, il adopte une nouvelle stratégie en décidant de ne plus participer aux foires françaises et internationales. Le nouveau camp de base parisien de Kreo, où il installe son équipe, se trouve rive gauche, au 31 rue Dauphine. Le lieu hybride — architecture du XVIIe siècle prolongé par un espace industriel du XIXe siècle dans l’esprit de Gustave Eiffel — a été aménagé par l’architecte Laurent Buttazzoni. Cet espace, d’un beau dénuement, propose un cadre quasi muséal pour des propositions de design minimales.

Pour l’inauguration, Didier Krzentowski présente « 16 New Pieces », des objets aux formes essentielles, d’un grand raffinement et techniquement ultra sophistiquées : la chaise longue en carbone de Konstantin Grcic, l’échelle de Marc Newson, la console de Martin Szekely et son béton Ductal au raffinement marmoréen. Magie et humour sont aussi au rendez-vous avec le luminaire Levitating de Front et la lampe Bellflower de Wieki Somers, tandis que le Hanger de Naoto Fukasawa nous prouve qu’une planchette agrémentée de quelques clous peut très bien faire office de porte manteau. Le designer japonais est rejoint dans son esthétique minimale à l’ironie joyeuse par la bibliothèque Casino de James Irvine et le Water Bench de David Dubois.

La présentation est le reflet du goût de Didier Krzentowski pour le dessin et la simplicité du trait. Il est, au début du XXIe siècle, le promoteur du « good design », un mouvement qui trouve son origine dans le Bauhaus, le Mouvement moderne et l’UAM. L’ornementation et l’accessoire ne font pas partie de sa syntaxe, mais l’humour agrémente heureusement ses choix.

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