DESIGN

Décors, de l’usage de l’ornement

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@16 Jan 2008

Á rebours de tout modernisme, la Tools Galerie propose une diversité d’objets raffinés et ludiques faisant un insolent pied de nez à la conception moralisante et datée de l’ornement 

Sur autant de blocs de polystyrène grossièrement emballés de plastique transparent, trônent, solitaires, des objets étonnants aux utilités diverses : un vase feignant l’agrégat de pièces de monnaie (Bronze Money Vase de Chris Kabel), une lampe au pied sauvagement contourné, une chaise moquant le modernisme (One minute sculpture lamp et Fishnet chair de Marcel Wanders). On ne saurait y assigner une unité de style mais la permanence de l’alambiqué pose d’emblée la question de l’ornement.

Tout d’abord, des pièces superbes des maîtres du design et de l’anti-design inscrivent ce retour à l’ornement dans une perspective historique. Un centre de table de Michele Lucchi, concepteur de la fameuse lampe Tolomeo, actualise le motif de la dentelle de porcelaine en le transfigurant en un gribouillis foisonnant. Cette même confusion de lignes se retrouve dans le dessin géométrique du centre de table en porcelaine émaillée blanc brillant de George J. Sowden. Enfin, une pièce du père de la machine à écrire Valentine (1969), Ettore Sottsass, disparu le 31 décembre dernier, refuse le lisse modernisme pour lui préférer la profusion aléatoire d’un décor en noir brillant.

En proposant des pièces fraîchement conçues — la plus ancienne date de 2003 —, la Tools Galerie promeut cette tendance lourde du retour au baroque qui refuse la réduction à une esthétique minimale. Á la littéralité du formalisme, Florence Doléac oppose des lampes à la poésie légère ; au sérieux design, Bertjan Pot répond par des designeries ludiques : The Gathering I & II, vides poche aimantés fluo et monstrueux, qui évoquent les œuvres les plus extravagantes de la première moitié du XVIIIe siècle.

La préciosité de ces objets non-standards se niche dans le détail, dans l’artificiel, dans l’animation virtuose d’une surface baroque. Aussi ces réflexions de dandy sur la futilité et sa gratuité se monnayent-elles à prix d’or : le vide poche de Laurent Massaloux en résine translucide noire, dont l’édition est limitée à cinq exemplaires, culmine à 6000 euros. Cependant, si ce coûteux Vanity Tidy peut recouvrir une fonctionnalité objective, et en cela ne peut être apparenté à une seule sculpture, il est aussi le support d’une réflexion vaniteuse comme le sont les objets sacerdotaux qu’on nomme à juste titre ornements.

Les designers européens ici représentés, issus pour la plupart de la jeune génération d’artistes nés à partir de la fin des années 1960, s’amusent de l’histoire des formes et font rimer la beauté du singulier et de l’étrange avec l’excellence du geste artisanal. En témoignent la superbe Crochet lamp en dentelle et peinture epoxy blanche de Marcel Wanders ou encore le vase orné de motifs végétaux en céramique émaillée de Wieki Sommers, Blossom.
Ainsi, l’usage du décor est vanté par la Tools Galerie, non pas seulement comme un moyen d’embellissement de l’objet ou de captation de l’œil, flatté par la profusion de détails, mais aussi comme une démarche post-moderniste qui tend à faire école aujourd’hui.  

 

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