ART | EXPO

Date limite de consommation

18 Oct - 20 Déc 2008
Vernissage le 18 Oct 2008

Entre tableau abstrait et panneau signalétique, les peintures d’Heidi Wood interrogent le spectateur par leur motif et leur agencement.
Entre elles, s’opère un dialogue des formes et des couleurs, de courte durée, puisque les oeuvres sont changées toutes les semaines et détruites tous les cinq ans.

Heidi Wood
Date limite de consommation

Dans l’affaire Heidi Wood le suspect c’est le tableau.

Le fait est qu’il y a quelque chose de suspect aujourd’hui dans la peinture abstraite. La forme, le fond, la couleur, la ligne, le format, la frontalité.

On est arrivé au bout. Toute variation nouvelle n’est plus qu’une citation. Elle appartient déjà au domaine public. L’abstraction géométrique est bien devenue un langage universel.

Chacun en évalue la valeur de signe, chacun y reconnait la charge potentielle du logo, la synthèse susceptible du message, l’effet sibyllin d’une annonce. Par un retournement inattendu de situation, la peinture abstraite réfère aux instances mêmes qui s’en étaient emparées à des fins de signalisation et plus largement de communication.

A l’échelle de l’unité tableau, le travail d’Heidi Wood s’atèle déjà à décrire ce phénomène en jouant des significations flottantes du motif peint sur fond monochrome.

L’évidente économie de la composition, sa simplicité extrême, sa lisibilité épurée lui donnent un air de déjà-vu qui introduit d’emblée un doute, une suspicion sur le statut réel de l’objet que l’on ne parvient pas à situer précisément entre le tableau abstrait et le panneau signalétique.

A ce premier stade du travail, le ton est donné. Ne nous y trompons pas, les apparences jouent ici contre l’œuvre, tout contre.

Les modes de présentation adoptés confirment le tableau dans ce rôle de suspect. Ils s’apparentent délibérément à des stratégies de promotion qui renforcent l’effet de dévoiement.

Il convient donc de les reconnaître au deuxième degré comme autant simulations idéales, de propositions efficaces d’accompagnement, de suggestions avantageuses d’arrangement.

A l’occasion de sa troisième exposition personnelle chez Anne Barrault, l’artiste fidèle à sa démarche mimétique, se lance dans une sorte de showroom évolutif, qui pourrait être celui d’une petite entreprise désireuse de faire connaître à sa clientèle le large éventail de ses prestations.

Dans cette optique et par un jeu subtil de réemploi et d’autocitation, elle associe des formules parfaitement inédites à des interventions appréciées par le passé et réactualisées ici pour l’occasion.

Les attentes du public toujours en quête de nouveauté, y sont par ailleurs largement satisfaites par un turn-over hebdomadaire assuré pendant toute la durée de l’exposition. Entre tradition et innovation, l’œuvre (alias la fiction Heidi Wood) soigne ainsi son image.

Et l’image en tant que promesse d’un idéal (l’apparence en peinture en tant que produit d’appel), c’est bien le fond de commerce d’Heidi Wood.

Le motif inscrit dans un environnement donné fait image. Le contexte génère et justifie le motif, et inversement. L’œuvre se dévoile dans cette interdépendance ponctuelle et spécifique.

C’est précisément ce qui fascine l’artiste qui n’a pas d’illusion sur l’autonomie du tableau, encore moins sur sa pérennité. Elle ne lui accorde désormais qu’une espérance de vie de cinq ans (chaque tableau à l’échéance de sa date limite de consommation est détruit sauf cas de détournement par effet d acquisition).

Ainsi tous les aspects matériels de l’œuvre ne sont plus que des simulations. Et c’est seulement à ce titre, qu’Heidi Wood se joue de leur commercialisation.

critique

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