ART | CRITIQUE

Collector

PAugustin Besnier
@19 Oct 2011

Après François Pinault en 2007 et Charles Saatchi en 2010, c’est à l'«État collectionneur» que revient cette année l’honneur d’être célébré pour son fonds d’art contemporain. Une exposition sans saveur, où les artistes semblent avoir fait le tour de toutes les questions.

«L’art contemporain pour les nuls»: tel pourrait être le sous-titre de l’exposition «Collector» présentée au Tripostal de Lille, où sont rassemblées une centaine d’œuvres des quarante dernières années, toutes issues du fonds du Centre national des arts plastiques (CNAP). Après François Pinault en 2007 et Charles Saatchi en 2010, c’est donc à l’«État collectionneur» que revient cette année l’honneur d’être célébré pour son patrimoine contemporain.

Le principal écueil de cette exposition résidait dans la singularité dudit collectionneur. Choix de commissions budgétées plus que de riche amateur, les acquisitions du fonds national pouvaient difficilement traduire un regard singulier sur la création ou poser le problème du goût et de la passion. L’écueil n’est pas évité. Mais il faut bien admettre, à la décharge de ce troisième volet, que les deux premiers ne semblaient pas moins institutionnels, dans leur forme sinon dans leur contenu.

Cette désincarnation de la collection n’aurait pas gêné si l’exposition temporaire ici chargée de la valoriser s’était démarquée de toute approche muséale. Que l’on puise dans un fonds national de quoi dynamiser le regard sur l’actualité ou de quoi composer autour d’un thème inédit, peut assurément être un bon moyen de rendre hommage à l’utilité d’une collection publique. Mais que l’on rechigne à dépasser le niveau de la vulgarisation simpliste, quand on entend proposer une exposition «manifeste» visant à «renouveler le regard» sur les grands thèmes de l’art, aurait plutôt tendance à agacer.

Car rien ici ne traduit la moindre force de propos. Par brassage de figures historiques et d’artistes en vogue, on nous explique que l’art contemporain a joué avec son histoire, qu’il s’est penché sur le quotidien et la société de consommation, qu’il a pris à contrepied le langage des médias et le discours de propagande, qu’il voit la guerre d’un mauvais œil mais s’intéresse à la mort, bref que l’artiste est fatalement observateur et touche-à-tout.

Quelques œuvres et quelques lignes pour le démontrer, une scénographie en accordéon alternant grands espaces et salles chargées, une touche de sexe (Jean-Luc Verna), une touche d’émotion (Roman Opalka, récemment disparu), une touche high-tech (la présentation du projet CNAPN, un outil numérique permettant d’explorer en ligne la collection du CNAP), et le tour est joué. Une recette fourre-tout, en somme, pour le moins de parti pris possible.
Face à ce zapping sans saveur, on regrettera grandement qu’une exposition lilloise ait fait le choix de ne prendre aucun risque, de vouloir montrer à qui s’en méfierait que l’art contemporain n’est pas méchant, et de rappeler aimablement à qui ne veut pas l’entendre que la culture est importante.
Le visiteur sortira de là sans enthousiasme, avec le sentiment triste que les artistes ont fait le tour de toutes les questions.

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