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Cécile Paris

Cécile Paris photographie des végétaux dans la ville. Ses Herbiers, véritable «écriture d’herbe», visent à saisir les mouvements multiples et délicats de l’individuel vers le collectif et du collectif vers l’intime.

L’art parle de l’humain avec ou sans figure humaine. Cécile Paris exposée par la galerie Dupont montre une manière de voir l’humain par le médium de la photographie.
Cécile Paris se promène dans la ville. Une rangée de petits cactus en pots sur le rebord d’un balcon. L’œuvre est une photographie couleur montée sur un petit caisson lumineux. L’alignement végétal, souligné de la barre horizontale du balcon, sépare l’image en deux zones de lumière, aveuglante en haut, jaune et ombrée en bas. Derrière les cactus c’est flou, un flou d’immeubles. Après la ligne des cactus, c’est la ville. De l’autre côté des cactus, c’est le vide. La banalité du quotidien qui met la «barre» assez haut, et donne au dérisoire une réalité de sens.

Cécile Paris fait sa collecte en ville. Elle interroge le va-et-vient incessant entre l’intériorité et l’extériorité du monde urbain. Elle ne le fait pas comme Helen Levitt (ancien membre de la Street Photography) qui voit le continuum de l’espace privé et de l’espace public dans la présence des enfants s’accaparant les trottoirs et les couvrant de leurs jeux, dans l’homme ou la femme qui traverse la rue et qui passe encore, dans tous ces êtres qui font la magie des rues qui sont celles de Harlem. Quand Cécile Paris se balade dans la ville, elle égraine ce qu’elle appelle des «espaces décisifs», en l’absence de tout personnage. De proche en proche, elle constitue un Herbier de la ville en photographie.

Un balai et un coussin fleuri côtoient le lierre grimpant et les tuyauteries en lacets d’une façade. Une autre photographie révèle une sorte d’aquarium rempli de feuilles végétales qui fait office de balustrade. Sous la fenêtre, un tag à la peinture noire, non loin de brindilles, évoque une calligraphie comme «écriture d’herbe» (selon l’expression chinoise). Une troisième image de l’Herbier, vue en contre-plongée, montre une maison située au loin, et un premier plan de ronces et de mauvaises herbes. Le reflet d’une fenêtre sur le ciel et la maison, ainsi qu’une barre verticale, créent l’ambiguïté d’une vue à travers la vitre d’une autre habitation. Et c’est le ciel dans la maison.

Toute la série de l’Herbier opère des rapprochements d’objets, des glissements d’espaces. Par l’imbrication des lieux d’habitation et des lieux de passages, par de multiples voisinages, Cécile Paris nous parle du continu de l’humain qui passe à travers les frontières. La photographie est pour elle une prise de notes qui essaie de saisir ce qui ne cesse de se passer dans la ville: les mouvements de l’individuel vers le collectif et du collectif vers l’intime.

La surface d’un mur intérieur près d’une fenêtre est presque divisée en deux par un objet rectangulaire reprenant les couleurs de la fenêtre. Cet objet déplace la frontière entre intérieur et extérieur qu’est la fenêtre. Métaphoriquement, il dilate cette frontière. On se demande ce qui dans la ville est de l’ordre de l’intime, ce qui dans l’individuel est collectif. Où sont les frontières?

Cécile Paris
— Sans titre, 2002. Caisson lumineux, tirage photographique couleur. 21,5 x 29,5 cm
— Série Herbier, 2002. Sept tirages photographique couleur. 40 x 60 cm chacun.

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