ART | EXPO

Caverne Cinéma

23 Nov - 16 Mar 2013
Vernissage le 22 Nov 2012

«Caverne Cinema» présente différentes œuvres vidéos issues des collections du Frac et nous immerge dans un déroulement d’évènements visuels et sonores, plus ou moins longs, à l’intérieur des tendances récentes de l’art vidéo et du «cinéma d’exposition».

Armelle Aulestia, Véronique Boudier, Cécile Hartmann, Ariane Michel, Nicolas Provost, Véronique Rizzo, Mika Rottenberg, Marilyn Minter, Chen Yang
Caverne Cinéma

Le Frac Limousin présente l’exposition «Caverne Cinéma» qui met en présence différentes œuvres vidéo de ses collections. Bâtie autour de l’idée de l’artiste Robert Smithson en 1971 de reconvertir une mine abandonnée en salle de cinéma, cette exposition s’appuie sur les données architecturales des Coopérateurs pour explorer les conditions de la création vidéo d’aujourd’hui et sa mise en exposition. Plusieurs œuvres filmiques et environnements vidéo – qu’on appelle parfois des vidéos «installées», c’est à-dire s’appuyant sur un protocole de présentation précis: taille de projection, mobilier et/ou accessoires, conditions scénographiques – sont présentés. Chaque œuvre constitue en soi un moment d’immersion dans un univers très précisément détaillé. Entre chacune des vidéo-installations, des vidéos de courte durée sont projetées en boucle et viennent rythmer le parcours. Ainsi l’exposition se déploie comme un programme de films «installés», de durée plus ou moins longue, entrecoupés de clips visuels et musicaux qui agissent comme des interludes.

Les vidéos Labyrinth vert (2001) et Sonate pour 2 (2006-2011) de Véronique Rizzo font appel à la mémoire du psychédélisme des années 60 et 70, s’appuient sur un choix musical précis (Francis Poulenc) et utilisent de façon basique certains logiciels 3D, ici After Effects, en exploitant précisément leurs effets les plus connus et élémentaires, leurs tropes. Supra continent (2010) de Cécile Hartmann est un film de voyage qui consiste, à travers l’enregistrement d’une nature sauvage, à faire apparaître les signes d’un autre type de «manifestation»: urbaine, sociale et politique. Le film s’accompagne d’images photographiques de mouvements de gel et de dégel. La prise de vue en coulée fluide et répétitive des images filmées et les grands formats des images fixes développent une sensation physique de proximité et d’immersion dans un «territoire méta-réel».

Dans la troisième salle, deux projections se font face. L’une, Morning View d’Armelle Aulestia, est un court film de contemplation, à travers la baie vitrée d’un gratte-ciel new-yorkais, d’un lever de soleil. La lumière joue avec les nuages et les éclats du verre. Le diptyque vidéo de Chen Yang intitulé Voyage montre également le ciel, mais vu en contre-plongée avec une fleur de pissenlit au premier plan. Comme dans un livre ouvert, l’image de droite montre la main de l’artiste essayant de dessiner cette fleur au crayon sur papier, aussi vite que le vent qui, à droite, disperse les graines.

Sur la terre (2005) d’Ariane Michel documente un voyage au Groenland du point de vue des animaux, en l’occurrence des morses qui, lorsqu’ils sont immobiles, font corps avec les rochers qui les entourent. Pour accentuer ces sensations, l’artiste propose au visiteur de s’allonger sur un lit.

Fruit d’un travail à quatre mains, l’œuvre Fried Sweat (2008) est une installation mixte: photo de Marylin Minter (née en 1948) et vidéo de Mika Rottenberg (née en 1978). Les deux artistes américaines ont mis en commun leur intérêt pour la sueur; l’une photographe et peintre trouve que ses modèles ont meilleure allure quand ils sont mouillés, si possible ruisselants; l’autre, sculpteur et vidéaste, envisage la sueur comme sécrétion essentielle du corps. Sur le mur blanc, une photographie montre en plan rapproché une aisselle rasée et mouillée et deux doigts aux ongles peints en vert. Une flèche et un mot écrit à même le mur incitent le spectateur à faire pivoter la photo pour découvrir un trou dans le mur. Par l’orifice, il découvre une courte saynète où se côtoient trois personnages (une contorsionniste, un karateka, un culturiste) chacun occupé à sa tâche. La présentation kaléidoscopique de la vidéo décuple l’image à l’infini. Difficile de ne pas voir dans cette œuvre une allusion au voyeurisme d’Etant donnés de Marcel Duchamp ou encore à ce détail du Grand Verre où on distingue les silhouettes des célibataires.

La vidéo-projection Papillon d’amour de Nicolas Provost met en miroir des fragments d’un film japonais ancien, Rashomon d’Akira Kurosawa, et crée ainsi une scène hallucinante de transformation d’une femme chrysalide en papillon qui implose. L’œuvre propose des réflexions biaisées sur l’amour, ses monstruosités lyriques et la blessure de sa disparition.

Pour Nuit d’un jour (2007), Véronique Boudier a filmé un incendie en temps réel. Ce plan fixe d’une heure est presque une scène d’action, avec des crépitements, des éclats, des montées d’adrénaline, des variations de rythme, d’intensité et de couleurs. L’image du «foyer» – à prendre dans les deux sens du terme – qui se consume allie la beauté formelle à l’idée de violence et de destruction totale. Faisant alterner calme et chaos, l’artiste reproduit finalement de manière poétique le cycle de la vie. Dans cette exposition en forme de programme filmé, il est beaucoup question du paysage, de la manière de l’appréhender en plan large, ou d’en scruter attentivement les détails indiciels, quitte à être proche de l’éblouissement et de l’aveuglement. L’itinéraire filmique proposé repose sur des approches profondes des éléments vitaux (l’eau, la terre, l’air et le feu) et sollicite les capacités sensorielles des spectateurs. Le voyage est également un genre déterminant, qu’il soit documentaire, ou rythmé selon le tempo d’une rivière ou profondément mélancolique (l’incendie aussi lancinant qu’un feu de cheminée) voire traumatique. Les trucages (miroir, kaléidoscope, logiciels 3D) permettent de s’aventurer à l’intérieur des images elles-mêmes, comme pour en percer le secret.

«Caverne Cinema» est un déroulement d’évènements visuels et sonores, plus ou moins longs, à l’intérieur des tendances récentes de l’art vidéo et du «cinéma d’exposition». Si la critique actuelle veut séparer les genres, laissant le documentaire à la vidéo et la narration au cinéma, cette exposition montre que les catégories sont mouvantes, fluides et perméables. Lorsqu’on met dans l’ordre les titres des œuvres présentées, cela donne en français une liste indicative du déroulement de cette suite d’ambiances audio-visuelles: Layrinthe vert, Sonate pour 2, Supra-Continent, Voyage, Vue matinale, Sueur frite, Papillon d’amour, Nuit d’un jour. Dernier point à souligner: l’exposition dure quatre mois, de fin novembre à début mars, mais également deux heures, lorsqu’on compile la durée des œuvres diffusées. Il faut donc y consacrer du temps, y revenir éventuellement plusieurs fois, notamment à l’occasion des lectures et rencontres avec les artistes qui viendront présenter leur démarche. (Y. Miloux)

Les Rendez-vous de l’exposition:
— Lectures d’exposition (FRAC Limousin)
Jeudi 13 décembre 2012 – 18h30 à 19h30 – entrée libre
par Yannick MILOUX, Directeur du FRAC Limousin
— Rencontres avec les artistes (Auditorium de l’ENSA)
Mercredi 19 décembre 2012 – 18h15 – entrée libre
par Cécile HARTMANN
Mercredi 20 février 2013 – 18h15 – entrée libre
par Armelle AULESTIA
En partenariat avec l’ENSA (Ecole Nationale Supérieure d’Art) de Limoges
— Dernier jour ! Samedi 16 mars 2013 – entrée gratuite-
Visite commentée à 16h par Yannick MILOUX, Directeur du FRAC Limousin

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