ART | CRITIQUE

Casanova forever. L’Evasion

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@20 Juil 2010

Sur le thème de l'évasion, la Forteresse de Salses accueille aux côtés des oeuvres de Jacques Monory, les installations vidéos de trois artistes Anna Malagrida, Nicolas Daubanes et Didier Morin.

Didier Morin, Fontevrault et Le Miracle de la rose, 1980-2010. Vidéo
Si Jean Genet a situé Le Miracle de la rose à Fontevrault, ancienne abbaye transformée en pénitencier, il n’y a en revanche jamais été emprisonné. Didier Morin ignorait ce détail lorsqu’en 1980 il écrivit au poète pour lui demander de parler de la centrale. Sans réponse, il s’introduisit clandestinement dans l’ancienne prison et put filmer dans les pires conditions de lumière ce qu’il en restait et dont les traces ont aujourd’hui disparu.

Ces images clandestines ne furent montées que tardivement pour être finalement montrées à Salses en 2010 — année où Jean Genet aurait eu cent ans. Une seconde vidéo, projetée dans le même espace, diffuse un long extrait du Miracle de la rose: le texte défile lentement sur le mur de la forteresse, pareil à une offrande. Dans un entretien, Genet raconte qu’il a écrit en prison pour s’en évader, à tel point qu’écrire une fois libéré ne lui semblait plus avoir la même nécessité.

Nicolas Daubanes, Pays de cocagne, 2008. Installation sculpture et vidéo
Ce projet a été réalisé par Nicolas Daubanes en 2008 au cours d’une résidence artistique dans le tout premier Établissement pénitentiaire pour mineurs de Lavaur, ville de son enfance et capitale du Pays de cocagne. Un espace clos en carton, construit par des enfants lors d’un atelier dirigé par la Haute École d’art de Perpignan, fut réinstallé dans l’EPM et mis à la disposition des jeunes détenus comme une invitation à se protéger de la prison elle-même; l’artiste leur proposa d’y déposer des objets en argile qu’ils avaient fabriqués — objets témoins d’une évasion rêvée.

La vidéo tournée lors de cette expérience ayant été censurée par l’administration pénitentiaire, Pays de cocagne a été rejoué à l’identique par des enfants acteurs. C’est ce «remake» de l’expérience artistique vécue dans la prison qui sera présenté dans la chapelle de la forteresse de Salses, à côté du «cube» où sont enfermés les objets.

Anna Malagrida, Dansa de dona, 2006. Vidéo, installation dans la prison de la Forteresse de Salses depuis 2009
L’installation vidéo Dansa de dona explore le caractère illusionniste d’un espace intermédiaire. Nous sommes dans le désert de Jordanie, à l’intérieur d’un petit refuge où le voile noir d’une fenêtre est soulevé par le vent: l’image évoque un obturateur photographique en même temps qu’elle rappelle la condition de la femme dans certains pays musulmans.

Dans un espace situé entre intérieur et extérieur, entre ombre et lumière, la dualité est illustrée sous la forme d’une danse délicate et fragile. L’installation de cette oeuvre dans la prison de la Forteresse de Salses où elle ne peut être vue qu’à travers les barreaux d’une porte, crée l’illusion d’une ouverture percée dans la muraille et d’une échappée vers le dehors. Ainsi, l’oeuvre interroge les limites du visible et inscrit l’acte du regard dans une double expérience: esthétique et politique.

Texte paru dans le catalogue de l’exposition «Casanova forever» (Commissaire: Emmanuel Latreille, directeur du Frac Languedoc-Roussillon).
Emmanuel Latreille et Jean-Claude Hanc (dir.), Casanova forever, Éditions Dilecta (Paris) et Frac Languedoc-Roussillon (Montpellier), juin 2010, 328 p.

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