PHOTO | CRITIQUE

Carte blanche

PMaud de La Forterie
@15 Mar 2007

Intime, prolifique, impudique. La photographie selon Araki se décline sous le mode du «roman personnel». Ses clichés autobiographiques et sans tabous reflètent purement et simplement la réalité, qu’elle soit instantanée ou mise en scène, posée ou prise sur le vif.

L’attrait d’Araki pour un acte photographique systématique et répété l’éloigne d’une pratique documentaire. Obsédé visuel, Araki n’enquête pas, il photographie et nous donne, sans détours ni fioritures, ce qui s’offre à son regard, bribes du quotidien et autres visions prolixes.

Le boulimique objectif de son appareil ne recherche ni l’exceptionnel, ni l’originalité. Ce sont pourtant les clichés de femmes aux poses alanguies et joliment ligotées qui ont en grande partie assuré sa renommée.
Six récentes représentations de bondages à l’esthétique sado-masochiste, de «shibari» où plaisir et délicieuse torture se rejoignent le temps d’un cliché, sont ici exposées en grand format. Toutes sans titre, elles surprennent l’œil non averti par leur lyrisme teinté d’une tendre violence, en aucun cas vulgaire.
Ces beautés japonaises, qu’elles soient (dé)vêtues de kimonos traditionnels ou de tenues contemporaines, nous toisent d’un tranquille regard, rendant ainsi compte de la complicité ténue qui les unisse au photographe.
Hautes en couleurs ou simplement en noir et blanc, les photographies de ces femmes saucissonnées, accrochées ou pendues, font écho aux grands maîtres des estampes japonaises.

En arrière-plan, se dégage parfois une nature abondante parsemée de fleurs, autre grand sujet de prédilection. Bourgeons, pistils et autres florescences truffent tout naturellement une installation de 36 Polaroids, située à l’orée de la galerie.
Point n’est question ici de s’immiscer au plus intime des pétales colorés, au plus secret de ces formes végétales si proches du sexe féminin. Le format ne le permet pas. La recherche esthétique, dans la pure lignée de la tradition japonaise, s’efface au profit de «snapshots» spontanés où se lit l’intense agitation d’un regard compulsif, peu structuré et peu intellectualisé. Un lieu, un moment, une personne. La photographie comme une hygiène de vie, comme une démarche quotidienne. Qu’importe l’appareil utilisé, pour celui qui ne se limite pas à une seule méthode de travail, ni même à un dogme précis de création.

Un caisson lumineux réunissant un millier de diapositives couleur est également présenté, et ce pour la première fois en France. Compilation rapide des différentes thématiques du photographe, tout y passe, des chats aux toisons féminines en passant par les petits reptiles de plastique à l’allure préhistorique.
Araki s’illustre en personne, errant de bars tokyoïtes en karaokés, seul ou accompagné. A la fois voyeur et sujet de son propre travail, il ne témoigne pas d’une société, mais en suit plutôt son déploiement.
Il engloutit ainsi le paysage urbain sans aucune vue d’ensemble, sans aucun panorama, privilégiant plutôt des visions fragmentaires de Tokyo, forgées par l’accumulation de multiples détails comme des panneaux publicitaires, des lignes électriques et autres signes matériels d’une civilisation en mutation. La ville ainsi liftée présente un tout autre visage. Celui du temps qui passe… Frénétique et insatiable.

Nobuyoshi Araki
— Untitled, 2007. Photographie couleur. 50 x 60 cm.
— Untitled, 2007. 2 tirages argentiques Noir et Blanc. 50 x 60 cm.
— Untitled, 2007. 44 tirages couleur Cibachrome. 50 x 60 cm.
— Light Box, 2007. Caisson lumineux. 1000 diapositives couleur. 160 x 100 cm.
— Untitled, 2007. Installation de 36 Polaroids, 2007. 140 x 140 cm

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