ART | EXPO

Bivalve-Monocouche

13 Mar - 18 Avr 2015
Vernissage le 12 Mar 2015

L’espace de l'exposition est construit comme un paysage énigmatique en deux parties. Au sol de la galerie, Richard Fauguet a installé une mer jaune où flottent des têtes de femmes en terre sur lesquelles l’artiste a greffé des coquillages. Au mur, une étagère de dessins sur verre, assemblages de morceaux de papiers glacés, forme la ligne d’horizon.

Richard Fauguet
Bivalve-Monocouche

Après «Châtaigne et vin blanc», on retrouve dans cette exposition, qui aurait pu s’intituler non sans ironie «Le Cubi et le visage», le caractère hybride et dual propre au travail de Richard Fauguet. Qu’il s’agisse des têtes en bille (1997) ou en noix de coco (1999), des dessins au Tipp-Ex, ou encore de sa série de cartes postales aux becs verseurs (2007-2013), l’apparition de l’image double traverse une grande partie de son œuvre.

L’espace d’exposition est construit comme un paysage énigmatique en deux parties: une mer jaune, quasi-chimique, où flottent des têtes de femmes envahit le sol de la galerie; une étagère de dessins sur verre forme la ligne d’horizon.

Plastiquement, la dualité s’exprime autant dans les dessins, dont le jeu d’ombre sur le mur provoque le dédoublement de la figure, que dans la série de têtes en terre, pour lesquelles l’artiste choisit, précisément, des coquillages à deux valves.

Certaines de ces têtes sont bicéphales à l’image du dieu Janus, d’autres se reflètent dans leur cubi-oreiller en écho au mythe de Narcisse, mais toutes comportent une double face. Figures hybrides, elles sont tour à tour femme-poisson, femme-extraterrestre ou femme-gorgone.

En apparence, elles s’apparentent presque à une proposition sculpturale très classique. Pourtant, les matériaux et procédés utilisés — des bivalves en tout genre consommés par l’artiste puis greffés pour reconstituer des visages — les rapprochent bien plus de la pratique du collage. De la même manière, les dessins sont des assemblages de morceaux de papiers glacés, extraits de magazines à l’aide de ruban adhésif.

L’exposition dans son ensemble fonctionne elle-même comme un collage mental qui rassemble une grande diversité d’univers, d’imageries et de références a priori antithétiques: le marin et le terrestre, la statuaire antique et le style rocaille, la noblesse du genre et la banalité des éléments de la composition, pour former une sorte d’esthétique baroque et pauvre.

Dans ses dessins comme dans ses têtes, Richard Fauguet recrée des postures des plus classiques à partir de magazines féminins, dans le premier cas, et des reliefs d’une dégustation de fruits de mer dans l’autre. On se souvient des portraits des compagnes de Picasso (2012) réalisés en pâte à modeler. Mais les choses diffèrent un peu cette fois-ci, le panthéon des célébrités ayant laissé place aux visages des femmes de son entourage ou d’illustres inconnues.

En faisant cohabiter animaux marins, ou plutôt ce qu’il en reste, et ces têtes en terre séparées de leur corps, Richard Fauguet propose une version décalée du mythe de Méduse où se combinent la figure de la gorgone et la victime pétrifiée. Ces têtes figées dans la terre, qui elle ne l’est pas car non cuite, ne sont pas sans rappeler dans leur traitement les rites funéraires paléolithiques dans lesquels on ornait les crânes de coquillages comme pour empêcher la disparition du visage.

La référence à ces cultes, contemporains des premières formes de portrait selon Georges Didi-Huberman, inscrit le travail de l’artiste dans l’histoire du portrait depuis son origine: «La question du portrait commence peut-être le jour où, devant notre regard atterré, un visage aimé, un visage proche tombe contre le sol pour ne jamais se relever». (Georges Didi-Huberman, Le visage et la terre, in Artstudio, été 1991, n°21)

Julia Mossé

Vernissage
Jeudi 12 mars 2015 à 18h

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