ART | CRITIQUE

Bebopapoclypse

PRaphaël Brunel
@09 Jan 2008

Gloria Friedmann invite le spectateur à déambuler de figures étranges en vanités ironiques, sculpte la face du monde dans toute sa tragédie, sa joie et son absurdité. Sa relation au monde passe par le corps. Jusqu’à la mort…

Gloria Friedmann, comme nombre d’artistes contemporains, est une touche-à-tout. Depuis des années, elle expérimente et interroge les représentations et les relations qu’elles entretiennent avec les perceptions du spectateur au travers de médiums aussi variés que la photographie, l’architecture, la vidéo ou la mise en scène de tableaux vivants. Autant de façons de modeler une image du monde, d’être, comme elle le dit, «le thermomètre qui indique la température du monde et de la société».

Oui, Gloria Friedmann sculpte la face humaine du monde dans toute sa tragédie, sa joie et son absurdité. Elle prend, selon les occasions, la forme de corps terreux qui agrippent, comme un bousier sa bouse, une boule d’argile, de corps de plâtre, pétris dans l’instant, tout de blanc vêtu, de squelettes, comme la plus simple et plus radicale expression du corps. On l’aura compris, pour Gloria Friedmann, cette relation au monde passe par le corps. Jusqu’à la mort…

A la Galerie Serge le Borgne, elle invite le spectateur à déambuler de figures étranges en masques sarcastiques. Les sculptures qu’elle présente sont monochromes. Il y a cet homme raide et blanc dont le cerveau est fermé à clé et qui tient peut-être à la main, parmi tant d’autres, celle qui le libérera. Elle est une femme enceinte à trois visages, réactivation contemporaine et hybride des Trois âges de la femme.
Une valse entamée entre un homme et un squelette au nez pointu et rouge évoque des œuvres antérieures de l’artiste comme Attraction fatale ou Prosélyte. Figure autant de bouffonnerie que de mort, ce Pinocchio en squelette, comme les vanités médiévales, vient rappeler, sur le crédo de l’humour noir, toute l’absurdité de l’espèce humaine, son inexorable destinée.

Evoquant autant les danses macabres que l’allégresse des petits pas esquissés par les personnages du Printemps de Botticelli ou des Trois Grâces de Rubens, Dolce Vita est constituée d’une ribambelle de joyeux squelettes évoluant dans un décor bucolique de fleurs en plastique de toutes sortes.
«Bebopapocalypse», le titre de l’exposition, prend ici tout son sens et révèle le paradoxe de la situation : nous dansons, insouciants, comme dans les caves du Saint-Germain-des-Prés de l’après-guerre, en attendant la grande tempête prochaine.

Dans le film de Fellini, la débauche dans laquelle Marcello s’enfonce peu à peu ne révèle-t-elle pas son désespoir profond ?

Alors dansons ! Jusqu’à la mort…

Gloria Friedmann
— L’Intouchable, 2007. Plâtre et métal. 203 x 50 x 60 cm.
— Le Gigolo, 2007. Résine aluminium. 200 x 80 x 60 cm.
— Elle, 2007. Résine peinte et tissu synthétique. 160 x 76 x 100 cm.
— L.S.D., 2007. Gravures monotypes. 158 x 186 cm.
— Exodus, 2007. Plâtre et mixed media. 195 x 570 x 90 cm.
— Dolce Vita, 2007. Mixed media. Dimensions variables selon l’espace.

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