ART | CRITIQUE

Bagna Cauda

PCaroline Courrioux
@30 Juin 2010

La Bagna Cauda c’est une fondue provençale dans laquelle chacun trempe les ingrédients de son choix, mais c’est aussi le titre de l’exposition estivale de la galerie Art: Concept. Quelques mots du sud pour une exposition où chaque spectateur trouvera des pièces à mettre à sa sauce.

D’emblée, une œuvre retiendra le regard du spectateur. Il s’agit de Plante morte en pot de Michel Blazy. Un pot de fleurs en terre cuite, posé sur un piédestal révèle la nature comme sculpture. Une ampoule allumée est suspendue à la verticale. L’œuvre associe des idées absurdes: faire pousser une plante morte sous une lumière électrique. Bricolée dans un équilibre précaire, la pièce est ensuite laissée libre de vivre et d’évoluer. Elle encourage puis explore la transformation de la nature. Les œuvres de Michel Blazy s’apprécient toujours dans la durée et l’épaisseur du temps, elle se laissent contempler. Observation du vivant et du mort et du passage entre ces deux états, ce brin de nature dans l’espace de la galerie questionne nos rapports au vivant.

Comme si l’ampoule de Michel Blazy avait réussi à devenir chaleur solaire et à brûler les pièces alentours, Mephisto d’Ulla Von Brandenburg est un tissu que le soleil a noirci. Accroché au mur comme une toile, un cerceau est posé à ses pieds. L’œuvre suggère des associations mystérieuses dans une logique combinatoire de la damnation. Mephisto c’est un des princes de l’enfer et l’incarnation du diable sur terre. L’œuvre suggère l’univers rougeoyant des âmes damnées emprisonnées et enchaînées. Les flammes de l’enfer nous brûlent de manière inconsciente en renvoyant à nos peurs et nos péchés.

En face, au sol, Kist helicopters de Roman Signer est un caisson de bois qui emprisonne des modèles miniatures d’hélicoptères. Le changement d’échelle fait croire à des insectes et libellules en captivité, agonisants. L’hélicoptère est un élément récurrent du travail de l’artiste. Il commence par construire lui-même ces objets en métal puis les utilise comme des outils.

Une autre sculpture de Roman Signer, Glas, est adossée au mur. Un verre en plastique est fixé à la perpendiculaire d’une planche de bois. A l’intérieur, un liquide bleu est prêt à couler et à se déverser sur le sol mais le fluide reste figé, dans l’instant même où il devait se répandre. La première impression, presque magique s’évanouit lorsque l’on réalise que le liquide est pétrifié. Cette sculpture défie le processus de la gravitation, de l’attraction vers le sol et le fige dans un temps hors des lois métaphysiques et terrestres.

Le temps est également suspendu dans la photographie Colorado de Geert Goiris. L’image abordée en termes de plasticien juxtapose paysage réel et mental. Les détails minutieux sont rendus par le procédé de la longue exposition. Le paysage existe dans un temps photographique calme et menaçant qui échappe au temps humain. Il n’est pas une capture de l’instant mais la saisie d’un temps qui n’existe que pour lui-même.

Enfin, la salle du fond présente un triptyque photographique de Jeremy Deller faisant face aux créations cosmogoniques et cosmologiques de Vidya Gastaldon. Sept dessins hallucinés aux couleurs vives et acidulées tracent des paysages en état de contemplation. La main de l’artiste s’abandonne à un imaginaire où les éléments explosent, se reproduisent, fondent, meurent et vivent dans un éclat de couleurs.

Fantasmagoriques, ces bribes de paysages et divagations se dissolvent les unes dans les autres pour renaître différentes. L’univers de ces œuvres est constitué d’une matière vivante. Psychédéliques, elles renvoient au monde des années soixante, un monde qui voulait démocratiser les savoirs sacrés et scientifiques et refonder une société idéale, miroir de la mission de l’art de cet artiste.

D’univers chatoyants et hallucinés aux réflexion photographiques en passant par des installations contemplatives, il y en a pour tous les goûts cet été chez Art: Concept.

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