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Avis de crue

16 Avr - 22 Mai 2011
Vernissage le 15 Avr 2011

Ce sont les formes des façades, des pignons, des fenêtres de Moissac qui ont elles-mêmes donné leur forme aux images d'Anne Jourdain. Par contre-point inévitable, l'immobilité architecturale imposait le mouvement de corps fantomatiques.

Communiqué de presse
Anne Jourdain
Avis de crue

« D’une architecture du glissement » (Entretien réalisé en mars 2011)
Anaïs Delmas: Chère Anne, pourrais-tu présenter les étapes qui ont précédé et préparé ton travail photographique à Moissac ?

Anne Jourdain: Une visite des quartiers les plus touchés, celui de Sainte-Blanche, du Maroc, puis des repérages sur plan m’ont aidée à construire cette recherche photographique. La consultation des dossiers sur la crue de 1930 et les projets de reconstruction de la ville, aux archives municipales, ont confirmé l’impression que j’ai eue dès la première journée de travail de fort contraste entre le chaos de la nuit du 3 mars 1930 et les jours paisibles et lumineux d’avril 2010. C’est cet imposant contraste, presque manichéen formellement, qui m’a guidée tout au long des trois mois de prise de vue.

A.D: A visiter ton exposition, je me demande si la photographie n’est pas une architecture du glissement, comme l’est le cinéma. Qu’en penses-tu?

A.J: S’agit-il d’un glissement de sens? S’agit-il d’une construction? Je comprends que les images cinématographiques glissent dans le sens où, parce qu’elles sont artificiellement animées, elles produisent une illusion d’optique, un faux mouvement. Mais ce ne sont que des photogrammes. Le cadrage, la lumière, les formes sont les mêmes. Au contraire, une photo « bougée » ou floue ou posée trouble les sens. Que voit-on vraiment? Au début des années 1960, Chris Marker a réalisé un film, La Jetée, entièrement monté en images fixes. C’est par le montage visuel, sonore (la voix off du narrateur) que l’histoire prend vie, qu’elle s’anime littéralement. Au milieu du film, l’héroïne allongée, immobile, bat subrepticement des paupières! Avons-nous rêvé? Elle a « bougé », elle nous a vus, elle nous a eus.

A.D: L’épure de tes images photographiques, tes choix de cadrage, le noir et blanc obtenu à partir de l’appareil Argentique avec lequel tu aimes à travailler, avec lequel seul tu travailles, confèrent à tes photographies la sensation de longs ou courts métrages dans lesquels chacune s’inscrirait mais desquels il ne resterait que la rare et précieuse prise de vue qui s’offre à nos yeux et il en est ainsi presque pour toutes, car même celles fonctionnant en série racontent une histoire, un mouvement: celui du corps, celui de la lumière… Que voudrais-tu bien nous livrer à propos de ton geste?

A.J: Je travaille aussi avec un appareil photo numérique, un petit Lumix, qui me sert de bloc-note photographique. Pour cette recherche en particulier, l’argentique s’imposait car je ne prévisualisais que des photos en noir et blanc. C’est toujours le même appareil Nikon, depuis près de vingt-cinq ans, qui joue le même rôle. Ce sont les formes des façades, des pignons, des fenêtres qui ont elles-mêmes donné leur forme aux images. Toutes se sont prêtées au jeu. De même que, par contre-point inévitable, le soleil a appelé la nuit, l’immobilité architecturale imposait le mouvement des corps. Les corps transparents sont les passe-murailles que tout un chacun rêve de devenir une nuit ou un jour même. Ces corps me sont venus d’images anciennes, réalisées dans les entrepôts désaffectés de Bercy, la nuit, avant la construction de la grande bibliothèque, avec d’autres étudiants de Paris VIII, vers 1990. Ces corps transparents viennent aussi d’images que je venais de découvrir en lisant l’extraordinaire journal d’Alix Cléo Roubaud, une sorte d’Alice inversée, retournée en négatif, qui serait partie de zéro vers l’infini.

A.D: Qu’apprécies-tu d’une photo lorsque tu deviens spectatrice?

A.J: J’apprécie sa lumière, c’est-à-dire son éclairage intérieur. Bien que l’image photographique soit fixe, on n’entre à l’intérieur du cadre (toujours Alice) que si la lumière nous aspire/inspire. Les images vraiment plates, si l’on peut dire ainsi, ont ma préférence, couleur ou noir. Par images plates, j’entends sans relief, sans perspective ni profondeur de champ, planes. Ce seraient des équivalents photographiques à la planéité picturale. Ainsi, j’ai mis à plat les façades de Moissac plus encore qu’elles le sont par la pureté de leurs lignes en les photographiant, tout simplement.

A.D: Parvient-on à devenir spectateur de ses propres oeuvres?

A.J: Oui, parfois même avant de les avoir conçues, en l’occurence, avant la prise de vue elle-même. Tout être est séduit par les images qu’il forme à chaque instant en son for intérieur. Il n’a qu’une hâte, les retranscrire en sons, en mots ou en pictura silencieuses afin de se faire entendre des autres, par sociabilité en quelque sorte.

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