ART | CRITIQUE

Autres mesures

PEmma Crayssac
@04 Juil 2009

L’exposition Autres mesures au Centre photographique d’Ile-de-France joue sur les différences d’échelles et de points de vue pour offrir au spectateur une vision kaléidoscopique des pratiques contemporaines.

Du nano au macro, les différents travaux présentés au Centre photographique d’Ile-de-France proposent de changer de regard. Les artistes de cette exposition jouent sur les différences de formes, d’échelles et d’expressions artistiques. Les médias sont multiples, de la photographie à la maison-témoin mobile, du film au collage. Toutes ces pratiques tendent vers une idée, celle de prendre conscience du monde qui nous entoure.

Dans un monde en perpétuelle mutation, la position statique n’est plus de mise. Les photographies de Daniel Chust Peters jouent sur les paradoxes. Une maison préfabriquée est déplacée par un groupe de personnes sur une montagne. La question de la prolifération de constructions et du respect de l’environnement est ici évoquée. La maison est transportée vers le bas de la montagne, hors de l’espace naturel où elle n’a pas sa place.
Notre vision ne peut rester inactive, à l’exemple de cette œuvre de Daniel Chust Peters, Saltar Por Los Aires, l’art bouscule notre façon de regarder.

De l’infiniment grand à l’infiniment petit, la mesure consiste à évaluer une grandeur. Cette définition, plutôt scientifique, s’accompagne d’un aspect plus moral où la mesure devient un critère d’appréciation de qualités. Or, ce qui est critiqué dans l’exposition Autres mesures est précisément la démesure de l’homme face à ce qui l’entoure.

Le triptyque d’Otobong Nkanga dénonce les ravages que l’homme opère sur l’environnement. Une immense figure sombre se joue du paysage, comme un enfant avec un jeu de construction. Les raisons de cette omniprésence humaine sont suggérées de façon claire: l’économie, le tourisme de masse servant de prétexte à adapter l’écologie à de faux besoins.
Cette idée largement présente dans l’exposition est reprise par Michel Blazy dont la photographie d’un insecte sur une goutte d’eau exprime de manière poétique de la fragilité de l’écosystème.

Toutefois, l’environnement ne se réduit pas à l’écologie. S’y ajoutent notamment les rapports sociaux, l’habitat, ou encore le temps.

Les flips books de Lionel Estève évoquent l’univers de l’enfance, mais s’inscrivent aussi dans une archéologie du cinéma, dans les balbutiements du film animé. Le jeu sur les échelles, qui rythme l’ensemble de l’exposition, est ici visible dans la différence de tailles entre le pouce et les livres. Fruit d’une collaboration de l’artiste avec un groupe d’enfants handicapés, cette œuvre est à la fois divertissement et moyen de mêler les pratiques artistiques et sociales.

Hermine Bourgadier propose pour sa part la photographie d’un champ de course à Hong Kong: la piste est vide, seuls les agents d’entretien sont présents. Les écarts sont ici entre l’orient et l’occident, entre le calme hors course et l’effervescence du public pendant la course, mais aussi entre les différents statuts sociaux du monde des courses.

Comme l’espace, le temps se dilate, ce qu’illustre Isabelle Hayeur dans ses photographies Quaternaire I et II. Un terrain apparemment en friche abrite en réalité des vestiges des premiers temps de l’humanité. Des fouilles ont révélé sur le site des traces d’occupation datant du Quaternaire, la période de Homo Sapiens, ancêtre direct de l’homme. L’œuvre exprime une certaine intemporalité du genre humain.

Djamel Kokène exprime à l’inverse la précarité des éléments de notre quotidien en présentant sur un minuscule écran plasma une de ses installations antérieures, qui était aux dimensions d’un bâtiment. Ainsi apparaît la relativité des grandes choses et des hauts-faits quand ils sont absorbés dans le quotidien.

La  morale de l’exposition Autres mesures pourrait être que l’homme, qui se veut être la mesure de toutes choses, devrait garder à l’esprit la juste mesure et la conscience de ses limites.

Otobong Nkanga
— Alterscape Stories, Uprooting the past, 2006, tryptique, photographies couleur.

Daniel Chust Peters
— Saltar Por Los Aires, 2007, 138x86cm chaque, photographies couleur.

Lionel Estève
— Petite vitesse, 2007, installation constituée de 3 vidéo-projecteurs, en boucle.

Isabelle Hayeur
— Quaternaire I et II, série Excavation, 2006, photographie couleur.

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