ART | EXPO

Arouille, Hastingues, Baigts, Pimbo, Memphis, Tupelo

01 Juin - 20 Juil 2013
Vernissage le 01 Juin 2013

Damien Cadio présente une sélection de ses tableaux de 2007 à 2013 mais également un ensemble de dessins et de sculptures, autres facettes moins connues de son travail.

Damien Cadio
Arouille, Hastingues, Baigts, Pimbo, Memphis, Tupelo

Dans les tableaux de Damien Cadio, tout concourt à nous dévier ou «dérouter» de l’image, au profit d’un basculement dans cette zone indécise qu’est la peinture. Les œuvres condensent cet instant où l’image devient peinture, où le sujet mue en motif, où la temporalité immédiate du réel d’aujourd’hui s’augmente du temps étiré du faire pictural, mais aussi du passé de l’histoire de l’art.

Si les sujets sont divers, on peut fréquemment distinguer une relation analogique ou métaphorique entre le motif et les problématiques picturales: les costumes et déguisements renvoient à un «travestissement» du réel par la peinture; la présence récurrente des mains induit le toucher et donc la surface picturale; les matières aquatiques ou organiques évoquent le potentiel de coagulation de la peinture à l’huile; le décentrage du sujet, les regards dérobés ou démultipliés, les masques, visions horrifiques ou sidérantes, l’escarpement d’une montagne, font écran à une vision nette et frontale, troublent ou détournent le regard au profit d’une perception oblique et prolongée.

Ce pouvoir de condensation de la peinture n’est pas sans rappeler celui du processus onirique: non que le tableau représenterait quelque rêve mais, dans les trajets du pinceau ou de la brosse, dans les infimes jeux de surface, la peinture construirait un espace où s’effectuerait une reterritorialisation du réel et de ses représentations, dans la simultanéité d’un passé et d’un présent étiré, de la menace et de l’enchantement, du plausible et de l’invraisemblable.

Damien Cadio, la peinture, une île possible d’Anne Giffon-Selle, 2013
Damien Cadio travaille à partir d’un atlas d’images glanées au fil du temps aussi bien sur Internet que dans des films. L’artiste les sélectionne, les classe, en laisse décanter la charge sémantique et visuelle, puis zoome, efface, recadre jusqu’à ce qu’émerge un non-dit, une vision en creux de l’image dont la peinture va pouvoir se saisir: scène secondaire et pourtant signifiante en arrière plan d’une séquence cinématographique, banalité d’une image dont il va extirper ou façonner le potentiel d’étrangeté et de violence en décentrant son sujet pour induire un hors champ, en occultant tout contexte au profit d’espaces vides…

D’autres indices nous guident dans ce passage de l’image à la peinture. Le recours aux petits formats tout d’abord: s’ils renvoient à l’écran d’ordinateur d’où sont issus les motifs, voire même au livre, ils garantissent surtout une perception du tableau à l’échelle de l’œil, une perception rétinienne et imaginaire, non corporelle. Damien Cadio assume pleinement la pauvreté de la définition numérique (pixellisation, sur- ou sous-exposition, couleurs brûlées ou rougies, etc.): reportée sur la toile, cette qualité médiocre génère une sorte de sfumato qui établit un premier lien avec la peinture et contribue à détacher l’image de son univers numérique.

Dans cet univers crépusculaire aux espaces fréquemment incertains, quelques motifs sont récurrents, que l’on devine plus éloquents que d’autres. Les nombreux masques, costumes et déguisements, par exemple, nous renvoient à un «travestissement» du réel. Si l’image du réel est encore là, sous-jacente, elle est déjà autre, transposée dans une autre dimension, transfigurée par un autre registre procédural, celui de la peinture. Car le faire pictural introduit de facto une autre temporalité.

Le fait pictural reprend le dessus, par sa temporalité et ses procédures, dans toute sa dimension rétinienne, mentale, imaginaire et même matérielle.

Damien Cadio, Tupelo d’Alain Berland, 2012
Damien Cadio est un artiste prolifique qui, tout en peignant de grandes toiles, a une préférence pour les formats modestes, non spectaculaires, de tailles 24 x 30 cm, 30 x 40 cm ou encore 40 x 50 cm. Il y construit des harmonies sourdes avec des sous-couches colorées, franches, pures puis, le plus souvent, il éteint la lumière en posant des touches de plus en plus sombres, des terres, des bruns, des bleus de Prusse, jusqu’au noir. Ses peintures, qui sont l’équivalent des pages d’un récit fantastique, ne s’embarrassent pas du sacré (pas d’allusion à la religion), des allégories conventionnelles (ni crâne, ni squelette, ni faux), du gore, du porno (très en vogue dans la peinture actuelle). Elles sont des territoires où les formes peuvent, mais pas nécessairement, paraître trompeuses: images retravaillées dont les éléments sont modifiés, les sujets recadrés et où tout ce qui est estimé encombrer le sujet doit disparaître.

Le regardeur, entre le sommeil et l’éveil, la raison et l’illusion, erre dans des espaces où l’objet ordinaire, banal, isolé de ses fins, devient irréel et potentiellement dangereux. Sa peinture acquiert alors une puissance magique. Elle construit un jeu de forces qui nous saisit et nous convainc, lorsque le sujet représenté se dissout dans la matière de son fond, que l’œuvre peut se passer de la figuration.

Damien Cadio n’est pas un maître en sciences occultes qui délivre un «message Apocalyptique», il ne nous dit pas que tous les rêves d’émancipation du monde se sont transformés en cauchemar. Tout au contraire, l’étrangeté de son œuvre proclame la puissance spirituelle créative de chaque individu, qu’il soit, et cela, dans une même égalité, artiste ou regardeur.

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