ART | EXPO

Après la traversée du fleuve/After crossing the river

10 Déc - 13 Mai 2012
Vernissage le 10 Déc 2011

Consacrée à Lawrence Weiner, l'exposition a été conçue comme un véritable projet dans lequel l’artiste — père fondateur de l’art conceptuel dans les années 60 — réactive des pièces de textes, composant ainsi de véritables partitions visuelles. Ces morceaux de phrases engagent le spectateur dans une nouvelle relation à l'œuvre qu'il ne s'agit plus de voir mais de concevoir.

Lawrence Weiner
Après la traversée du fleuve/After crossing the river

Les musées français n’avaient pas organisé d’exposition de Lawrence Weiner depuis près de 20 ans, depuis celle du musée d’Art moderne de la Ville de Paris en 1985, puis celle du musée de Villeurbanne en 1990. Aux États-Unis, le père de l’Art conceptuel avait attendu 2007 pour avoir les honneurs du Whitney Museum de New York qui, enfin, le fêtait comme l’un des artistes pionniers de la deuxième moitié du XXeme siècle. Cette exposition circula dans les meilleurs musées des États-Unis, et la Collection Lambert eut le privilège de prêter les œuvres historiques du fonds avignonnais de cet artiste atypique.

Né il y a près de 70 ans dans un quartier très pauvre et populaire du nord de New York, Lawrence Weiner devient dès la fin des années soixante celui qui mettra un ultime coup de pied dans la fourmilière du monde de l’art américain agité alors par les œuvres éclatantes, répétitives et enjouées du Pop Art qui triomphe après l’Expressionnisme abstrait. Déjà, les mouvements de l’art minimal et du Land art s’étaient éloignés des canons commerciaux d’un art que ces artistes jugeaient trop médiatique et trop habilement récupéré par des collectionneurs gommant la critique sociale de ces œuvres pop qui reflétait pourtant la puissance dévastatrice des médias et celle de la société de consommation. Était célébré le rêve de l’American Way of Life, avec les robots les plus fous qui envahissaient le quotidien de la ménagère, Armstrong faisait ses premiers pas sur la lune alors que Marylin Monroe était au firmament des stars hollywoodiennes.

Le Land art s’éloigna physiquement des musées et littéralement des galeries, les fondateurs de ce mouvement préférant les déserts (Richard Long, Walter de Maria), les carrières et lacs reculés (Michael Heizer, Hamish Fulton). La photographie ou la vidéo naissante devinrent pour certains d’entre eux les seules traces visibles de leurs créations. Les maitres de l’Art minimal gommèrent toute perception émotive et romantique de l’art visuel en utilisant des matériaux pauvres et industriels, poutres et plaques de métal pour Carl Andre, acier manufacturé par des usines pour Sol LeWitt, Richard Serra ou Donald Judd, néons industriels pour Dan Flavin…

À la même époque, la fin des années soixante, l’Art conceptuel s’imposa comme une ultime progression vers un art de plus en plus lié à la «Cosa mentale» comme le nommait déjà Leonard de Vinci, avec l’idée même de l’art plus importante que sa propre réalisation physique ou matérielle. Bref une révolution esthétique dans une époque révolutionnaire, politiquement, culturellement, socialement et économiquement. Un Âge d’or avant le premier Choc pétrolier du début des années 70 mettant fin aux «Trente glorieuses» dont nous sommes si loin aujourd’hui.

La démarche des artistes qui composent l’Art conceptuel peut paraître provocatrice ou nihiliste. Or il n’en est rien. Elle rappelle les démarches similaires de Jean-Luc Godard ou d’Alain Resnais avec le cinéma de «À bout de souffle» et «Providence», celles de Roland Barthes, Georges Pérec ou Michel Butor avec la Littérature, de John Cage puis Philip Glass pour la musique. Il fallait retrouver un degré zéro de la création, la page blanche de l’écrivain, le silence de la musique, le plan fixe noir ou blanc pour le film. Comme si, dans ce toilettage du regard qui s’imposait à tous, il y avait une nécessité commune à tous ces créateurs de dire «stop» au flux et reflux des images médiatiques de l’époque et de mettre sur «pause» le regard, la vision et le cerveau.

Après la Seine et ses deux rives si distinctes, il y a le Rhône, avec en 2000, l’ouverture de la Collection Lambert en Avignon. Telle est l’histoire qu’a souhaité retracer Lawrence Weiner à travers l’ouvrage de bibliophilie édité à l’occasion de cette exposition. Cet ouvrage a aussi donné le titre à notre exposition. De la Seine au Rhône, de Paris à Avignon, tels sont les déplacements du galeriste-collectionneur, qui entend désormais officialiser la donation de sa collection à l’Etat, (Paris), avec un dépôt inaliénable en Provence (Avignon).

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