DANSE | SPECTACLE

El pueblo unido jamás será vencido

18 Déc - 18 Déc 2018

En cette époque chahutée, rien de tel que de prendre un bain de mémoire. Avec la pièce El pueblo unido jamás será vencido (2018), les chorégraphes Alessandro Bernardeschi et Mauro Paccagnella laissent de côté les livres d'histoire pour mieux proposer une plongée dans l'expérience vécue. Mémoires de luttes.

Avec El pueblo unido jamás será vencido (2018), les chorégraphes Alessandro Bernardeschi et Mauro Paccagnella (Cie Wooshing Machine) livrent une pièce pour trois interprètes. Un trio piquant pour un chant de lutte qui dépasse les frontières. Sur scène, Alessandro Bernardeschi, Lisa Gunstone et Mauro Paccagnella déploient une danse intimiste, tramée d’images fortes. Où l’humour et le décalage s’emparent de l’Histoire. Être ensemble : qu’est-ce encore ? Le chant d’Inti Illimani, El pueblo unido jamás será vencido, s’adressait à la dictature du Général Augusto Pinochet, arrivé au pouvoir par coup d’État. Le peuple, uni, ne sera jamais vaincu. Alors qu’est-ce que l’unité : la masse ? Ou l’attachement ? Sur scène, les trois danseurs revisitent l’histoire, la grande comme la leur. Tandis que la composition sonore (Eric Ronsse) déroule parfois des fragments d’enregistrements historiques. Comme des moments de radio, avec commentaire sur fond de clameur populaire.

El pueblo unido jamás será vencido de Mauro Paccagnella et Alessandro Bernardeschi

Paysage épuré, le off s’invite sur scène, avec les différents costumes et accessoires à endosser. Tandis que les trois danseurs composent des modalités d’union et désunion. L’adage veut que dans un trio, cela finisse toujours à deux contre un. Tandis qu’en matière de mobilier, le trépied est la forme la plus stable. Assemblages mouvants, El pueblo unido jamás será vencido s’attache à la place de chacun dans la constellation de l’histoire. Ces relations personnelles et intimes, qui à la fois occupent le premier plan sur fond d’histoire. Mais qui, aussi, se font et défont au gré de ce qu’autorise les évènements du monde. Violence au ralenti, les corps tombent, gisent, se portent, se pleurent, se relèvent, rigolent. Comme l’explique Mauro Paccagnella, la pièce interroge, par la danse, la mémoire des luttes. Ces traces que laissent, ou non, les révoltes dans les corps et gestes de ceux qui les ont vécues.

Chorégraphie des luttes : ce que les révoltes font aux corps de ceux qui les ont portées

Joyeux carnaval ou purge ? Sensualité de la liberté prise… En pullover jaune et perruque afro rousse, Lisa Gunstone entame une danse sur White Rabbit des Jefferson Airplane. Alessandro Bernardeschi, en sous-vêtements et cagoule, vient alors raconter une anecdote, où se mêlent violence nazie et insouciance consumériste. Où affleure le pouvoir des images, autant que leur innocuité. Où affleure également le trouble entre mise en scène et réel. Jouer à tuer, faire semblant de mourir, se relever. Répétition générale. Dans la joie et la bonne humeur. Et la force de la propagande, de la culture, des luttes hégémoniques. De Breakfast in America des Supertramp à El pueblo unido jamás será vencido… Le spectacle fait ainsi tenir ensemble la force des chants de lutte et le recul qui permet de naviguer entre les écueils. Pour une pièce où trois interprètes rejouent, par les mots et les gestes, leur participation à l’histoire.

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