ART | EXPO

Alain Séchas

05 Sep - 17 Oct 2015
Vernissage le 05 Sep 2015

Après plusieurs années de travail concentrées sur la peinture abstraite, Alain Séchas revient à la figuration et présente une série de variations autour du couple. Prenant comme personnages ses grands échalas à tête de chats, ces scènes de genre autour des couples en promenade ou à la plage composent une série pleine de sensibilité et d’humour.

Alain Séchas
Alain Séchas

En faisant ressurgir en peinture ses grands échalas à tête de chats, Alain Séchas est-il en train d’écrire un chapitre de sa vie d’artiste? (I will not make anymore abstract art ?) Il se pourrait que les tableaux qu’il expose aujourd’hui éclairent rétrospectivement ce tournant pictural amorcé il y a quelques années, mais on peut croire aussi qu’ils sont autre chose et plus que cela: un manifeste personnel.

Voici donc une série de variations autour du couple comme figure et situation; couples en promenade ou (souvent) à la plage et qui pourraient à eux seuls fonder un nouveau genre. Alain Séchas peint des couples comme d’autres des animaux, des natures mortes ou des paysages. Il construit le tableau avec leurs silhouettes qui semblent prendre la mesure de la toile, mais il peut aussi arriver qu’il leur trace en vitesse un cerne après s’être engagé dans une harmonie de jaune et de bleu et les augmente d’un chien parfaitement dessiné pour leur donner une cohésion et une certaine tenue (Chien vert et jaune d’or).

Parce qu’elles répondent à l’idée que chacun de nous peut se faire du tableau — celui-ci comme objet et vision commune de l’art — ces scènes de genre ont — malgré leur tendance dominante au malaise ou à l’embarras — quelque chose de réconfortant. L’argument est réduit à très peu, l’humour mordant contenu dans une seule situation de base: le vivre ensemble, et les formats laissent peu de place aux envolées lyriques. Il en résulte des situations étranges où des taches rageuses figurent des serviettes déchaînées par le vent, où un long trait noir vient tracer une démarcation improbable entre sable, corps et mer (Serviette jaune), où des ombres de chats rouges se retrouvent empêtrés dans des serpentins blancs qui tracent une sorte de mare sanglante (Rouges).

Dans ces Å“uvres faussement apaisées, Alain Séchas s’invente une nouvelle façon de retenir le coup, de manifester sa conscience aiguë des limites de l’expression artistique et de son clivage entre artiste et citoyen. Deux volontés semblent se disputer le pouvoir et l’orientation de l’Å“uvre: le choix de l’impuissance comme moteur de la création (le côté Bruce Nauman) ou la promesse de beauté pour tous (le côté Jeff Koons). D’un côté, Promenade à Bruges où le ciel du Nord fournit l’argument d’une néantisation des figures, ou Couple ocre et bleu (l’expression comme effacement, ou l’inverse); de l’autre, Bouée rouge qui évoque un Bernard Buffet à la poursuite du Greco.

Ainsi, l’adresse au peuple de promeneurs et de baigneurs que nous sommes est constamment traversée d’intensités pures, de lignes abstraites qui peuvent figurer aussi bien un bord de serviette qu’un bras ou n’importe quoi d’autre. Chaque tableau se renforce de sa présence au sein d’une série, avec ce que cela suppose de monotonie, mais avec aussi ses découvertes et ses saisissements comme devant cette natte orange qui semble ramasser en elle tout un drame existentiel.

Alain Séchas brouille la distinction entre peinture métaphysique (ces figures bloquées entre interrogation et exclamation, ces roues de vélo qui, posées sur le sable, y fixent un regard et ébauchent un visage) et instantanés (Chemin bleu, Moto rouge). A moins que la plage omniprésente ne signe ici la fin de la métaphysique et le retour malencontreux à la grécité. Dans cet entrechoc de l’idéal et du contingent, la force comique de la chronique sociale (encore présente dans les peintures bleues sur papier) s’estompe au profit d’une recherche éperdue du sentiment océanique.

Patrick Javault

Alain Séchas est né en 1955 à Colombes. Il vit et travaille à Paris.

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