ART | EXPO

A Unique Boutique

11 Jan - 01 Mar 2013
Vernissage le 10 Jan 2013

L'exposition présentera de nouvelles vidéos ainsi qu'une série de sculptures récentes, qui nous plongent à nouveau dans l'univers de Cynthia, l'alter-ego de Shana Moulton. Cynthia représente plutôt une série d’états d’esprit plutôt qu’un personnage complètement développé.

Shana Moulton
A Unique Boutique

Entretien entre l’artiste (SM) et la galeriste (ADM), décembre 2012.

ADM: Le mois prochain, tu ouvres une exposition à la galerie Crèvecoeur intitulée «A Unique Boutique». Peux-tu me donner des indications sur ce titre? Est-il lié à l’espace de la galerie lui-même?
SM: Il y a un magasin à Fresno, en Californie, là où j’ai grandi, qui s’appelle «Unique Boutique». J’ai toujours été intriguée par ce nom, ça sonnait tellement français! L’espace de Crèvecoeur est assez accueillant et personnel, et je pense qu’une boutique ou un magasin de cadeaux, c’est comme une porte vers les fantaisies et les désirs de chacun.

ADM: Ton alter-ego Cynthia sera-t-elle présente dans tes prochaines vidéos? Comment décrire la relation qui existe depuis 10 ans entre toi (Shana) et ton personnage (Cynthia) et comment cette relation a évolué au fil des années? Est-ce que Cynthia vieillit, par exemple?
SM: Cynthia change en fonction de mon état d’esprit ou de mon attitude, qui oscille souvent entre un ennui anxieux et un bonheur ravi. A vrai dire, elle représente plutôt une série d’états d’esprit plutôt qu’un personnage complètement développé. En vieillissant, elle est devenue plus versatile, et plus ouverte aux expériences différentes, elle est plus dans la recherche. On peut dire qu’elle a vieilli en 10 ans, et c’est de plus en plus dur de trouver de bons angles de caméra pour elle. Elle vieillit, et c’est une raison qui m’a poussé à rester avec elle, pour voir son âge. Elle restera là, à guider la caméra pour moi, à m’aider à trouver ma voie.

ADM: Cynthia nous est très familière parce que nous l’avons vue dans des situations bizarres, très intimes, et souvent liées à sa santé. Elle nous est aussi très familière parce que nous connaissons bien son corps. Les équipements médicaux et orthopédiques sont des outils importants parce que ce sont souvent eux qui suscitent les transitions dans tes récits. Parfois, tu choisis de les présenter dans l’espace d’exposition comme des sculptures; que peux-tu dire de ça?
SM: Même si j’adore la vidéo et les supports audiovisuels, je suis une personne très tactile et je trouve ça vraiment intéressant qu’un espace d’exposition puisse combiner l’expérience de regarder avec la présence d’objets physiques.
Je pense qu’il y a un potentiel inexploré là-dedans. Inclure les accessoires des vidéos a été pour moi le début de cette exploration, et produire ces accessoires a mené à des pistes de sculptures.

ADM: Je sais que je ne suis pas la seule, mais Cynthia me rappelle des personnages dont on devient accroc, comme dans les séries télé, et cela est dû aussi à ton talent narratif. La télé n’est jamais très loin, n’est-ce pas?
SM: Oui, la télé a été, pour le meilleur et pour le pire, extrêmement important dans le développement de mon identité et de ma relation à l’art. Quand je suis accroc à une série, ça implique que les personnages de la série deviennent mes amis, et parfois ma bande pour un temps donné. Les bonnes séries crées des mondes auxquels tu as envie d’appartenir.

ADM: En parlant du travail de la caméra, en revanche, la télé est assez loin. Dans vos vidéos fait-maison, la plupart du temps, il y a une succession de plans fixes. Et l’équipe est à peu près réduite à … toi seule, n’est-ce pas?
SM: Oui, et j’aime penser qu’il y a une relation entre la photographie et la peinture dans ces plans fixes, et les décors que je produis comme des tableaux doivent être vus d’un seul angle. Mais c’est aussi, en effet, la conséquence de n’avoir qu’une personne dans l’équipe: moi-même!

ADM: Dans tes vidéos, le personnage, l’intrigue, les stratégies narratives suivent une logique (même si a priori, elles sont très illogiques) qui peuvent être analysées en suivant le modèle actantiel, décrit par Greimas, un linguiste et sémioticien russe qui a mis au point ce sytème permettant d’analyser tout texte littéraire.
Il distingue six facettes, autrement appelés «actants»: (1) le sujet, (2) l’objet, (3) l’émetteur, (4) le destinataire, (5) un adjuvant. Dans ton travail, Cynthia est le seul personnage, c’est un peu comme si les objets prenaient la place de tous les autres personnages.
SM: Oui! Il y a eu parfois d’autres (5) adjuvants; par exemple dans Whispering Pines 9, il y a le présentateur de Antiques Roadshow, Lady Nova dans Whispering Pines 4 et le «Galactic Pot Healer» dans la vidéo du même nom. Les objets sont toujours aussi des (5) adjuvants, et parfois même des (3) émetteurs, des (4) destinataires, en étant toujours des (2) objets…

ADM: A propos de références littéraires, tes vidéos sont aussi comme des journaux intimes…
SM: En effet, l’une des premières leçons que j’ai apprise à propos de l’art est qu’il faut produire à partir de ce que l’on connaît le mieux, et j’ai pris ça au pied de la lettre.

ADM: Et la plupart de tes vidéos pourraient être interprétées à travers une lecture psychoanalytique, tu ne crois pas?
SM: C’est quelque chose qui me plairait beaucoup!

ADM: Serais-tu capable de prédire les aventures futures de Cynthia? Est-ce qu’elles sont déjà écrites?
SM: Son futur n’est pas écrit, mais je peux prédire que, plus je tends à apprendre quelque chose en tant qu’artiste, plus Cynthia tend à devenir un véritable être humain. En ce qui me concerne, j’ai décidé, que quand je serai vieille, je serai cette femme qui fait du Tai Chi au parc, Cynthia m’a aidé à comprendre ça, et sera là pour m’apprendre cet art.

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