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PNicolas Villodre
@10 Sep 2008

Tatiana Trouvé, lauréate du Prix Marcel Duchamp, a conçu dans l’Espace 315 du Centre Pompidou, un parcours balisé en 23 étapes que doit suivre le visiteur — en même temps qu’un inventaire où tout un chacun trouvera son compte… 

Tatiana Trouvé a fragmenté les trois cent quinze mètres carrés de l’Espace 315 du Centre Pompidou en microcosmes incolores et inodores, d’un noir et blanc de bon ton, d’apparence assez chic. Sans aucun effet ostentatoire. Les nouveaux lieux ne sont certes pas plus gais qu’auparavant, pas vraiment riants ; ils ont quelque chose de neutre, de clinique.

On ne sent ici ni pathos autobiographique ni chantage au sentiment vécu, ni exhibition du quotidien. Tout au plus une fascination ou un attachement un peu trouble pour l’entreprise que l’apprentie sorcière Tatiana Trouvé a un jour imaginée en jouant au plus fin : le Bureau d’activités implicites ou BAI, avatar dérisoire de la Société anonyme de Katherine S. Dreier. On est tout de même assez loin du farcesque Dada et de l’ironie somme toute innocente de cette époque lointaine où se faisait et se défaisait l’art moderne occidental.

Artiste appliquée et sage au discours assuré, Tatiana Trouvé produit un parcours balisé — un plan de l’exposition détaille les 23 étapes du chemin de croix que doit suivre le visiteur — en même temps qu’un inventaire où tout un chacun trouvera son compte. L’amateur de peinture-peinture comme l’iconoclaste (de nombreux tableaux parfaitement léchés, dans le style rétro du dessin industriel ainsi que des dessins noirs sur fond noir de la série suprématiste Rémanence font penser aux négatifs des calotypes de Fox Talbot récemment exposés au musée d’Orsay).
Le féru de trompe l’œil et d’illusions d’optique (les miroirs disposés à 45° au milieu de couloirs pour maisons de poupée) comme le bricoleur du BHV (le cordage et les autres objets hyperréalistement manufacturés par la jeune sculpteuse). Le fétichiste comme le sado-maso (les traces de coulures, de brûlure et de sciure).
Le client d’installations de l’art contemporain (le sablier en poudre charbonneuse pailletée, grossièrement symbolique, disposé de part et d’autre de la galerie) comme le friand d’objets mathématiques à la Man Ray.

Moins étrange qu’il n’y paraît, le showcase de l’artiste a quelque chose de rassurant, qui révèle une certaine parenté avec les architectures intérieures des années cinquante. Dans Tatiana, il y a donc du Tati. L’agencement proposé, même sevré de toute tentation chromatique, rappelle le pavillon bourgeois au design criard de Mon oncle. On n’est pas loin non plus de l’architecture japonaise (la grille de séparation qui coupe le 315 en deux, soit en 157,5 et qui rappelle les parois coulissantes en Nipponie).

Ceci dit, tous ces objets étant sans but et sans utilité aucune, ils sont, par la force et la farce des choses, objets artistiques. Et finalement assez beaux. 

Tatiana Trouvé
— Sans titre (de la série Intranquility), 2007. Crayon sur papier, vinyl. 76 x 113 cm.
— Sans titre (de la série Intranquility), 2007. Crayon sur papier, brûlures. 76 x 113 cm.
— Sans titre (de la série Remanence), 2008. Crayon sur papier, plomb, étain. 76 x 113 cm.
— Polder, 2005. Résine, métal, cuivre peint. 454 x 500 x 450 cm.
— Vue d’exposition à la Villa Arson, Nice, 2007.
— Sans titre, 2007. Fer et caoutchouc. Vue d’exposition à l’Arsenale, Biennale de Venise, 2007. 215 x 500 x 500 cm.
— Sans titre, 2007. Vue d’exposition à l’Arsenale, Biennale de Venise, 2007. Bronze, métal, cuir, ciment, Formica, Plexiglas, miroir, marbre, peinture époxy. 160 x 421 x 610 cm.
— Sans titre , 2007. Vue de l’exposition « Time Snares » à la Galerie Emmanuel Perrotin, Miami, 2007. Bois, formica, métal, peinture epoxy, plexiglas, cuir, résine. 184 x 840 x 500 cm.
— Sans titre, 2007. Vue de l’exposition « Time Snares » à la Galerie Emmanuel Perrotin, Miami, 2007. Métal, peinture epoxy bleue, cuir marron. 203 x 161 x 131 cm.
— Sans titre, 2008. Bronze. 277 x 270 x 185 cm.
— Sans titre (de la série Remanence), 2008. Crayon sur papier, plomb, étain, plastique. 57 x 76, 5 cm.
— Sans titre (de la série Remanence), 2008. Crayon sur papier, plomb, étain, plastique. 76 x 113 cm.
— Sans titre (de la série les déploiements), 2008. Crayon sur papier, plastique. 76 x 113 cm.

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