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2004: pour que des possibles redeviennent possible

PAndré Rouillé

L’équipe de paris-art.com vous adresse évidemment tous ses vœux pour l’année nouvelle.
Évidemment parce que sans vous, sans votre fidélité, sans vos encouragements, l’aventure de paris-art.com serait impossible. Si nous progressons de façon aussi rapide, c’est à vous, visiteurs du site et lecteurs de la newsletter, que nous le devons.
Évidemment parce que nous partageons une semblable passion pour l’art contemporain, pour sa promotion — et pour sa défense !

A cet égard, l’année 2004 s’annonce riche en débats, en raisons d’agir, et sans doute en actions…

En effet, tout porte à croire (espérer) que des mouvements vont agiter le monde de l’art.
Dès ce mois de janvier, les nouvelles dispositions du régime spécifique d’assurance chômage des intermittents rentrent en vigueur avec pour conséquences immédiates l’éviction de 30000 d’entre eux du système d’indemnisation, et l’intensification de leurs actions comme l’indique la spectaculaire occupation de la Villa Médicis le jour de l’An.
En vue des prochaines élections régionales de mars 2004, une liste intitulée Clef (Culture Liberté Égalité Fraternité) est en préparation dans le Doubs. D’autres listes devraient suivre qui se réfèrent explicitement aux mouvements des intermittents, mais sans être des listes d’intermittents ou d’artistes, ni des listes de défiance vis-à-vis de la politique, mais des listes destinées à susciter un large débat démocratique sur la culture.

Parce que ce débat est d’une grande importance sociale et économique, autant qu’esthétique, paris-art.com compte y contribuer pleinement. C’est pourquoi la partie Forum du site a été, au cours des dernières semaines, totalement reconfigurée.
Vous êtes désormais vivement invités à intervenir dans les différents forums proposés pour débattre des grandes questions de l’art contemporain.

L’enjeu n’est pas mince.
Il s’agit rien moins que de réagir contre ce qui met l’art et la culture en danger, au même titre que les chercheurs qui déclarent aujourd’hui «la recherche en danger» et qui se mobilisent «face à une situation exceptionnelle, dangereuse pour la recherche mais aussi pour l’avenir de notre pays» (Alain Trautmann, Libération, 8 janv. 2004).
Il s’agit d’inverser un mouvement suicidaire de sous-estimation de la culture et de l’art contemporains : de comprendre les mécanismes intellectuels, économiques et politiques qui conduisent à brader ce qui reste d’une immense tradition.
Il s’agit de débusquer, sous les discours souvent lénifiants, cette «haine de l’art» qui se manifeste chez nombre d’élites et de décideurs.
Il s’agit de promouvoir largement «ce qui se passe» : les nouveaux paradigmes du faire artistique, les nouveaux lieux, les nouveaux acteurs de l’art, etc.
Il s’agit simultanément de mettre à jour «ce qui ne se passe pas» : les projets refusés, les initiatives arrêtées, l’autisme des partenaires, etc.
Il s’agit de rendre compte de la «vie d’artiste» aujourd’hui.
Il s’agit d’aborder l’art dans la multiplicité de ses dimensions et, dans une posture résolument antikantienne, d’examiner comment il peut aujourd’hui être tout bonnement utile à la vie…

Il s’agit de beaucoup de choses encore à l’aide des Forums.
Mais on manquerait l’essentiel si on se limiterait à réagir sans agir.
La plus grande place sera donc accordée aux initiatives, aux projets, aux réalisations qui ouvrent des voies nouvelles, qui refusent le défaitisme, qui inventent, qui reconfigurent et renouvellent l’art.

N’hésitez pas !
Emparez-vous des Forums : répondez aux interventions, créez de nouveaux thèmes, posez des questions, polémiquez. Prenez part au vaste débat sur l’art contemporain au moyen des outils que vous propose paris-art.com
.

L’art contemporain est un fabuleux espace de possibles, infiniment sensible aux plus sourdes vibrations du monde. Il est, ou devrait être, un lieu privilégié d’expérimentation et d’expansion pour la pensée, l’imagination, les formes, les rêves, la création. Or, cela n’est pas donné, mais à construire.

Il se dit que l’année 2003 a été bonne pour le marché, que des galeries parisiennes ont bien vendu. Il faut s’en réjouir.
Mais on a le sentiment qu’en dépit d’heureuses exceptions, la vie d’artiste est de plus en plus difficile, guère propice au difficile travail de l’art.
Mais on déplore que les crédits ministériels en faveur de l’art contemporain aient diminué.
Mais on constate que les artistes contemporains français pèsent toujours bien peu sur la scène internationale (voir l’enquête proposée par Beaux-Arts magazine de janvier sur «Les 30 artistes de l’année»).

On ressent un profond décalage entre les valeurs de l’art et l’esprit du temps.
Comme si l’art était à contre temps dans cette période de retour à l’ordre où, de toutes parts, ici et ailleurs, dominent les compulsions de surveillance et de contrôle. Comme si les pesanteurs du présent rendaient les possibles (presque) impossibles.

Formons le vœu, et surtout faisons en sorte que 2004 soit l’année où des possibles redeviennent possible…

André Rouillé.

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Andreas Dobler, Astéroï;de, 1999. Encre et laque en bombe sur papier. 240 x 200 cm. Courtesy Galerie Jean Brolly, Paris.

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